[-18] All the time we lost | Silas
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Près de quinze ans… Cela va bientôt faire quinze ans qu’il l’a jeté du haut de cet immeuble, le poussant avec à peine un mot d’excuse, n’ayant pas le temps de lui expliquer son plan. A vrai dire, aurait-ce été utile que du lui en parler ? Non, absolument pas. Il s’y serait opposé, il aurait essayé de venir à son secourt, il aurait tout simplement réussi à se faire tuer. Il est rare qu’Ichiro se sacrifie pour le bien être de quelqu’un mais il n’avait tout simplement pas pu abandonner son sorcier là-bas. Il a perdu tant d’amour au fil du temps, voyant sorcières et humains se flétrir à une vitesse alarmante, finissant par devenir poussière entre ses doigts.

Le temps n’est pas son ennemi, à lui. Il a tout le temps du monde, il foule ce sol depuis deux millénaires, laissant le cycle des morts se succéder autour de lui, encore et encore. Les visages disparaissent, remplacés par de nouveaux. Appelez cela la crise des deux-milles-trente ans qui approche mais Ichiro est fatigué de devoir laisser partir ces âmes qu’il se surprends à apprécier.

Décidant qu’il avait attendu bien assez longtemps, il avait profité d’un tournage tardif dans l’emploi du temps de Silas qu’il ne s’est pas privé de faire suivre et espionner, suivant son emploi du temps au fil des jours pour rejoindre son lieu de vie. Changé en petit lutin volant, il était monté au sommet de l’immeuble dans lequel son beau vit.

Il pose pied sur le balcon luxueux, ajustant son costume de marque alors qu’il ouvre la porte vitrée qui mène à l’intérieur. Comme d’habitude, elle n’est pas verrouillée. Cela sonne-t-il étrange s’il confie que ce n’est pas la première fois qu’il vient ici depuis qu’il a récupéré sa tête ? Plusieurs fois, il est venu voir Silas dormir, pénétrant toujours par cette même porte ouverte qu’il a la sale manie d’oublier de fermer, comme s’il voulait que son sorcier comprenne qu’il était passé, qu’il était bien en vie, qu’il attendait juste le bon moment pour revenir dans sa vie.

Et, ce soir, c’est le bon moment. Il a quelque chose à lui offrir, quelque chose qui ne devrait pas trop tarder à être livré chez lui dans les jours à venir et c’est quelque chose qu’il veut partager avec le beau sorcier.

Prit par l’habitude, il ne ferme pas la porte, il n’allume pas les lumières. Le chat miaule à ses pieds, venant réclamer quelques caresses comme à son accoutumé. Il récupère l’animal et va s’installer dans un fauteuil, restant dans le noir, se plongeant dans ses pensées alors qu’il caresse Monsieur Miaou.

En silence il détaille les lieux. Il s’en est bien tiré, son Silas. Il est devenu quelqu’un d’influent, de riche. Quelque part, Ichiro se dit que c’est grâce à lui, que sans cette fameuse soirée, il se serait contenté de rester le petit sorcier qu’il était sans prétendre à plus grande destinée. Destinée qu’il avoue apprécier grandement de découvrir aujourd’hui.

Avant longtemps, la moire ayant bien calculer son coup, la lumière s’allume et, dans l’entrée se dessine la silhouette de Silas à qui il fait réellement face pour la première fois depuis près de quinze ans. Le démon ménage son entrée, ravalant son impatience, caressant le chat toujours sur ses genoux, souriant simplement au sorcier. Finalement, il se lève, le rejoignant de quelques pas. Le chat repart se vautrer sur un fauteuil et, du bout des doigts, Ichiro effleure le visage de Silas du bout de ses doigts, son regard se perdant dans le sien.

« - Ryokai… Cela fait si longtemps… »

Machinalement, il ne peut s’empêcher de l’appeler par le prénom qu’il lui a toujours connu, qu’il lui a toujours donné. Il a du mal à se faire à ce ‘Silas’ qu’il utilise aujourd’hui. Le sourire de façade qu’il se forçait à arborer disparait bien vite alors qu’il se rends compte que, cette fois ci, il se tient bel et bien devant lui alors qu’il est éveillé et conscient.

« - Je suis désolé d’avoir pris tant de temps à revenir… »

L’égo démesuré du démon l’empêche de suivre le schéma de pensé de son amant. Il l’observe, pensant sincèrement que c’est son retour qui le met dans un état pareil. Quoi d’autre, après tout ? Ils viennent de se retrouver après tant de temps, bien évidemment que Ryokai est émotionnel et émotif. Il vient tout simplement de se voir rendu le plus bel aspect de sa vie, il ne peut pas en être autrement.

Ichiro s’attends presque à voir son sorcier lui tomber en larme dans les bras quand, enfin, il se rend compte que quelque chose cloche. Il remarque la colère et la rage alors que les iris aimées changent de couleur. Le démon se fait repoussé et, prit de court, recule de quelques pas, observant, outré, la réaction du plus jeune. En voilà une manière d’accueillir sa magnifique personne après 10 ans de tortures, 2 ans de confusion mentale et 2 ans de remise sur pied financière.

Il aurait aimé se remettre totalement en forme avant de revenir le voir, il aurait aimé avoir cette même aura qu’à l’époque, être totalement lui-même. Mais il n’en peut plus d’attendre et il sait à quel point le temps joue contre Ryokai. Et il n’a plus envie d’être séparé de lui, même si cela implique de devoir faire confession de faiblesse face à lui.

Le feu apparait au creux des paumes qu’il préférerait sentir sur son corps en cet instant et Ichiro lève les yeux au ciel, maudissant Zeus et les Titans pour se mettre ainsi en travers de sa route. Il se campe sur ses jambes, s’apprêtant à recevoir le choc.

« - CRÈVE !! »

Il lève ses bras, prêt à les utiliser comme bouclier pour encaisser le coup, comme il l’aurait fait à l’époque. Mais alors que les orbes sont jetées en sa direction, il se rappelle qu’il n’est plus la moitié du démon qu’il était il y a deux décennies. Et, surtout, son costume est fait de soie italienne. Cela serait frustrant de le bruler. Il l’a acheté tout spécialement pour cette occasion, le tissu étant de cette couleur rouge exubérante que son Ryokai aimait tant le voir porter.

Il plonge alors à l’abris, derrière un fauteuil, insultant Zeus dans sa barbe alors qu’il s’étale au sol, les mains sur le dos de sa tête. Après un rapide check, il s’assure avant toute chose que son costume n’a rien avant de reporter son attention sur celui qui avait été son amant. Et c’est alors qu’il voit ce dernier arriver derrière le canapé, fou de rage et visiblement bien décidé à lui faire la peau qu’il bondit à nouveau sur ses pieds, levant les mains en signe d’apaisement, ayant tout, sauf envie de lui faire mal le soir de leur grandes retrouvailles. Enfin, si, il avait prévu de lui faire mal, mais pas exactement dans ce genre de registres là.

« - Agápi, je suis désolé. Je sais, tu es en colère, j’aurais dû revenir plus vite ou laisser un mot pour prévenir mais j’ai été pied et poing lié pendant près d’une décennie. Je te suis revenu dès que possible, même si j’ai laissé quelques plumes en cours de vol. »

Il recule, évitant quelques attaques que la colère a rendues maladroites avant de finalement saisir une opportunité, se glissant sous la garde de son sorcier pour presser son corps au sien dans une étreinte forte et serrée.

« - Ne me fait pas la tête ainsi, Agápi. Je te promet que je saurais me faire pardonner cette longue absence… »

Il lui souffle les mots directement au creux de l’oreille, joueur, décidant d’ignorer totalement la volonté que son amant semble avoir de lui tordre le cou. Un sourire aguicheur et confiant flottant sur ses lèvres, il attrape les poignets du sorcier, les guidant directement sur sa gorge. Ils ont pas mal pratiqué le jeu de l’étranglement au lit par le passé et nul doute que ce clin d’œil saura peut-être apaiser la colère du cadet que le démon a totalement mal interprété.

« - J’accepte parfaitement ce genre de punitions, par contre. Tu m’as manqué, Agápi »

La poigne se referme avec violence sur la gorge du démon qui n’arrive pas à faire autre chose que de sourire à la sensation de l’air qui commence à manquer, qui lui est refusé. Ses mains attrapent les poignets de son amant mais sans chercher à les retirer, les acceptant totalement, là où est leur place. Il l’a mérité, celle-là, après tout. Et maintenant qu’ils sont si proches l’un de l’autre, que Ryokai est installé à califourchon sur lui, il peut réellement le détailler.

Déjà, sa colère est magnifique, encore plus belle qu’à l’époque, encore plus tentatrice. Mais ce que le démon remarque surtout alors qu’il commence à manquer d’air, c’est le temps qui a fait son chemin sur le visage de son pourtant si jeune Ryokai. Ses traits se sont tirés, il a grandi, il a vieilli. Ce n’est pas plus mal, en soit, mais ça n’est pas non plus rassurant pour le démon qui ne prends que trop conscience que si tout cela n’a été qu’un battement de cils pour lui, il en va autrement pour son sorcier.

Les mains sur sa gorge serrent avec forces et le démon lâche un gémissement indécent alors qu’il sent l’air lui manquer et sa gorge lui bruler. Grisant, tout simplement grisant. Et alors que Silas s’installe sur ses genoux pour avoir un meilleur angle d’accès, il ne répond plus de rien. Après tout, il est un démon, il ne peut pas mourir étranglé, même si cela fait mal, même s’il ressent le manque d’oxygène. Il est immortel, il est intouchable. Et même si Silas s’est amélioré, il peut le sentir, ce dernier n’est pas encore plus puissant que lui et ce malgré le fait qu’il ait perdu une bonne partie de ses pouvoirs. Comme quoi, ils ont encore de la route à faire, tous les deux.

Ses mains quittent les poignets du sorcier, remontant le long de ses bras, les effleurant comme s’ils avaient réellement étés en pleins préliminaires. Il redescend ensuite dans son dos, empoigne ses fesses et le tire à lui, rapprochant son bassin du sien. Cela fait tellement longtemps, il veut le toucher, le sentir, le regarder. Et si, en plus, il peut se faire étrangler en même temps par son Ryokai, il ne va clairement pas s’en plaindre.

« - Je vais te tuer... je vais carboniser ton corps du haut jusqu'en bas... tout doucement. Je vais jouir de tes hurlements et te faire regretter ton petit manège, Sorcière. Qui es-tu ? Tu ne me tromperas pas... Ichiro est mort... mort à cause de vous... »

Une lueur d’incompréhension passe dans son regard. Ils n’ont jamais fait de jeux de rôle au lit, tous les deux. Alors, deux solutions s’offrent à lui ici. Soit Silas a découvert un nouveau fétichisme lors de son absence et essaye de l’initier un peu maladroitement ou alors, horreur et effrois, il le prend réellement pour l’une de ces saloperies de sorcières. Et, il ne sait pas pourquoi, il a tendance à pencher pour le second choix, même si le premier serait plus plaisant.

Une expression de profond dégout tire son visage, chassant le désir à peine voilé qui irradiait sa face. Lui, une vulgaire sorcière ? Plutôt s’arracher la rate à main nue que d’être affilié à ces saloperies !

« - Traite moi de crapaud, tant que tu y es ! Ça sera moins insultant. Tu ne peux pas m’allumer ainsi et me traiter de sorcière comme ça, ça brise totalement l’ambiance. Je crois que tu viens de me faire débander directement, là. »

Ses mains retournent aux poignets qui serrent son cou. Ok, ce n’était pas ce qu’il avait pensé. Une chance pour lui, il est toujours plus fort que Silas. Il attrape les poignets à nouveau et le force à lâcher prise. Forçant sa poigne pour garder les mains de son amant immobile, il s’en va embrasser le creux de son poignet, lui envoyant un regard d’avertissement au passage, ne le quittant pas des yeux.

« - Tu penses vraiment que j’aurais pu être tué par de simples sorcières de pacotilles, Agápi ? Si tu savais comme cela m’attriste d’entendre ce genre de mots de ta bouche… Et dire que tu avais si bien commencé à m’allumer. »

D’autorité, il écarte les bras de Silas, le forçant ainsi à se pencher un peu plus sur lui. Dans cette position, il peut se permettre d’accéder à son cou qu’il grignote comme il l’a toujours fait, remontant le long de sa mâchoire, allant effleurer ses lèvres, ancrant son regard dans le sien alors qu’il prend sa lèvre inférieure entre ses dents pour jouer un peu avec avant de la relâcher.

« - Je te le promet, Agápi, il s’agit bien de moi. Diminué mais bel et bien en vie. Pour toi. Tout ce que j’ai fait depuis que je t’ai poussé de ce toit, je l’ai fait pour te retrouver le plus rapidement possible. Ne me force pas à tout te raconter alors que tu es en colère… Je préfère savourer la vision de ta colère que de devoir raconter ces choses humiliantes. »

Il le sent frémir entre ses bras, il le sent sur le point de céder, de se laisser aller à l'émotion. Enfin. Pas qu'Ichiro soit particulièrement sadique mais il comptait bien voir l'effet de son absence sur sa sorcière. Après tout, il était tout pour lui à l'époque, il avait fait en sorte d'être bel et bien le centre de son monde, son seul, son unique. Il avait chassé quiconque osait prétendre à ce poste à sa place. Alors, oui, il compte bien sur quelques larmes débordantes. Il veut son Ryokai en pleur dans ses bras, se rendant compte de la valeur de ce qu'il a perdu et retrouvé.

Et la première larme roule, arrachant un sourire enchanté au démon qui se penche pour lécher la goute saline, comme il a pu le faire à chaque fois qu'il a vu sa sorcière pleurer. C'est assez rare mais il se délecte de chaque seconde quand cela arrive. Après tout, il est un démon, un élément du chaos, l'orgueil incarné. Il aime savoir qu'on pleure pour lui, par amour pour lui ou, tout simplement, de sa main.

« - Pourquoi est-ce que je te croirais ? Ce serait tellement facile... pour n'importe quelle banshee ou puissant démon de me tromper et de jouer avec moi de la sorte. Si je suis encore en vie, c'est parce que durant tout ce temps, je n'ai fait confiance qu'à moi-même. Des années... des années sans t... sans lui. Persuadé de ne plus jamais le revoir et... et tout à coup, il me réapparaît. Comme ça... après tout ce temps passé à le pleurer... et... »

Les yeux jaunes disparaissent et Ichiro se rend lentement compte du vide qu'il a laissé en lui en disparaissant aussi longtemps. Un bouffée vengeresse monte en lui alors que le trouble du jeune homme toujours installé sur ses genoux flatte largement son égo qui n'a pas besoin de ça pour déjà être totalement démesuré de base.

Quand il tire pour se dégager de sa poigne, l'Orgueil le laisse faire, désireux de sentir son désespoir s'abattre sur lui. Le désespoir qui le hante pour lui, par lui. Les coups ne sont pas bien douloureux et chacun d'entre eux donne un peu plus envie à la moire de le faire sien sans plus attendre.

« - Alors prouve-moi ! Prouve-moi que tu es bien celui que tu prétends être ou tue-moi sur-le-champ ! Et je t'assure... je peux te jurer que si c'est une farce je te le ferais regretter même dans la mort ! Et si vraiment tu es... si c'est toi... dis-moi que c'est toi... Yperifáneia... »

Un sourire de clémence aux lèvres, il l'attire à lui, l'attrapant dans une étreinte serrée comme il sait si bien les faire. D'autorité, il enfonce la tête de Silas dans son cou, sa main se perdant dans ses cheveux sombres sans perdre de temps à jouer avec les boucles.

La vérité, c'est qu'Ichiro, lui aussi, est plus remué qu'il ne l'aurait voulu par ces retrouvailles. Et s'il le serre avec puissance contre lui, ce n'est pas uniquement pour rassurer son sorcier. Et, même si ce n'est pas le moment, il ne peut s'empêcher de laisser son autre main empoigner l'une de ses fesses, me maintenant solidement en place alors qu'il se penche au creux de son oreille.

« - Laisse moi te raconter alors... J'aurais pu me faire réduire à néant  ce soir là... Mais parce que je t'avais toi, parce que je savais que nous nous reverrons, j'ai préféré l'humiliation à la mort. Je me suis rendu, j'ai déposé les armes. »

Sa voix grave dépose les mots dans le lobe aimé d'un ton suffisament bas que pour sonner intime sans qu'il ne soit pour autant un murmure. Enfin, il commence à entortiller du bout des doigts quelques mèches de cheveux comme il aimait bien le faire par le passé lorsqu'il observait Ryokai dormir.

« - Ils m'ont emmenés, ce sont assurés de me gardé blessé et sous la garde d'une enchanteresse et d'une banshee. Pendant dix ans, je n'ai eu d'autres choix que de jouer les voyantes de luxe pour ta famille. J'ai été sorti de là par un raid allié. Il m'a fallut deux ans pour m'en remettre, d'un point de vue psychologiques. J'étais instable, violent, agressif.

Je me suis attaqué à plusieurs reprises à des amis à cette période, je ne voyais plus les alliés et les ennemis, je voyais juste les autres et les autres me faisaient du mal. Alors je voulais juste me défendre. Je ne voulais pas que tu me vois ainsi, Agápi. Tu mérites mieux que ça. Alors j'ai attendu le temp nécessaire pour être sûr d'être à nouveau en plein contrôle de moi. Je n'ai juste pas encore pu récupérer le plein contrôle de mes capacités démoniaques... Mais crois moi, j'y travaille. »

Il relâche un peu sa prise, allant caresser le dos aimé du bout des doigts, le laissant se redresser s'il en a envie.

« - Tu sais à quel point j'aime te voir pleurer pour moi, Agápi. Mais, je t'assure que je n'ai eu aucun plaisir à te garder loin de moi aussi longtemps, ou même à l'idée de t'infliger cela. Tu n'imagines pas a quel point cela a été angoissant pour moi quand la Banshee m'a retiré la possibilité de te voir, de m'assurer que tu vas bien. »

Nul doute sur la chose, ses mots ont faits mal à Silas, mais pas d’une manière qui lui plait. Il aurait aimé ne pas avoir à lui dire qu’il aurait pu éventuellement faire quelque chose pour lui, qu’il aurait pu intervenir pour réduire la distance qui les a séparés. Mais il reste intimement convaincu que sa sorcière aurait été se suicider sans attendre s’il avait été mis au courant de sa situation. Et si lui avait eu quelque chose à leur offrir en échange de sa propre vie, son Ryokai, en contrepartie, était déjà considéré comme traitre à son sang pour avoir osé tomber face aux charmes de la perfection incarnée. Et dire que son nom est celui de l’orgueil… Quel orgueil y a-t-il à être supérieur aux autres et à le savoir ?

Non, c’était mieux ainsi. Lui, il a l’éternité pour s’en remettre. Et ça n’aurait pas été la période un peu délicate de sa longue existence. Après tout, les pythies ont déjà essayé par le passé, de même que beaucoup d’autres en leurs temps, de soumettre l’insoumettable. Il n’est pas en sucre et si la douleur l’avait momentanément rendu fou, il va mieux maintenant. Une chance, même, que ça soit un démon qui soit venu lui sauver le cul et non pas son Ryokai. Il l’aurait sans doute tué sans s’en rendre compte sur le moment. Il ne s’en serait peut-être même jamais rendu compte, continuant de courir après l’ombre du jeune homme sans jamais parvenir à l’attraper, chassant un fantôme.

Quand il pose un baiser sur sa peau brulante du traitement douloureux qu’il lui a imposé, un long frisson remonte le long de l’échine du démon. Bon sang. Cela lui a tellement manqué. Peut-être aurait-il dû craquer, le premier soir où il est monté dans ces appartements pour l’observer dormir, le couvant d’un regard possessif et protecteur. Il se souvient de la profonde sensation d’apaisement qui avait grandis en lui alors qu’il avait observé la fresque de plafond de la chambre de son bien-aimé. Un culte à sa personne. Silas ne lui voue rien de moins qu’un réel culte et il ne lui en faut pas autant pour se sentir profondément bien. Enfin, quelqu’un qui n’a pas peur de reconnaître le génie intégral qu’il incarne.

Le visage couvert de larmes se redresse et il peut à nouveau l’observer. Les iris jaunes ne sont plus là… Quel dommage, il aime tellement voir ces pupilles animales le fixer, crier leur rage, leur colère, leur ire. Le jeu est donc fini ? Il n’aurait pas dû parler de tout cela, ils auraient continué à se chauffer avec ce jeu de rôle que semble aimer son fidèle… Mais il ne pouvait décemment pas se laisser traiter de sorcière sans rien faire, n’est-ce pas ?

« - Si j'avais su tout ça... pardon Ichiro. J'aurais dû m'assurer de ce qui t'étais arrivé, j'aurais pu t'aider, j'aurais pu te sauver, te sortir de ce cauchemar. Je te demande pardon. Je sais que ce doit être dur pour toi... mais moi je me fiche que tu aies perdu de ta puissance. Pour moi, tu restes le même et je sais que tu retrouveras vite toutes tes capacités.
- Je ne veux pas entendre ce genre de choses dans ta bouche, Agápi. Tu aurais juste réussi à te suicider, au mieux. Au pire, tu serais arrivé jusqu’à moi et je t’aurais tué sans même m’en rendre compte. »

Et le silence s’étire. Yperifáneia ne ferme pas les yeux. Malgré la grande proximité, il ne lâche pas sa sorcière des yeux. Cela lui a trop manqué, ce contact lui a trop manqué. Il ne veut plus perdre la moindre seconde de sa présence à ses côtés, il ne veut plus manquer de se repaître de sa vue, il ne veut plus gaspiller la moindre seconde. Cela va passer, avec le temps. Mais le malheureux qui essayerait de se glisser entre eux pour le moment risquerait de passer un sale quart d’heure rien qu’à faire mine de s’y risquer.

« - J'ai pensé à toi jour et nuit. J'ai fermé mon cœur. J'ai dévoré des corps jusqu'à l’écœurement, j'en ai laissé d'autres me passer dessus durant des heures entières et de mille manières. Je me suis épuisé pour mon travail, j'ai tué pour évacuer. Et malgré tout ça... jamais... jamais je n'ai réussi à combler le vide terrifiant que tu as laissé. Je n'ai aimé que toi. Je n'aime que toi. Et il en sera toujours ainsi... éternellement. Ne me laisse plus jamais.
- C’est la moindre des choses. » confirme le démon qui n’en avait pas moins attendu comme réaction de la part de sa sorcière « Et je ne pars plus. Pas si je peux l’éviter. »

Et là, ses lèvres sont prises avec passion et ferveur. Il n’en attendait effectivement pas moins et le tire à lui alors que leurs corps s’appellent, se retrouvent, se jaugent à nouveau. Il n’a plus ce corps ingrat de l’adolescence, ayant pris de la masse musculaire, les angles de son torse s’étant enfin dessinés, ses épaules s’étant dessinées et sa barbe lui chatouillant un peu les lèvres.

Pressé, il aide son aimé à se débarrasser de ses vêtements, les jetant avec négligence au loin. Ça ne serait que pour lui, il aurait déchiré le textile encombrant, un point c’est tout. Le reste est brouillon, empressé. Tels deux affamés se jetant sur un buffet après un trop long jeûne, ils ne sont plus capables d’attendre et sont prêt à se rendre jusqu’à l’indigestion pour se sentir à nouveau repu, à nouveau hors de danger. Ce trou qui est en eu va bientôt pouvoir être comblé. Et si je me permettais d’être particulièrement sale, je parlerais aussi d’un autre trou qui ne devrait plus trop tarder à être comblé.

Et quand, enfin, il est à nouveau en lui, on râle approbateur et gourmand lui échappe. Qu’il est étroit, son beau, prit ainsi sans préparations aucunes… Mais il faut bien l’avouer, lui non plus n’aurait pas pris le temps de plus de préliminaires, brulant de cette patience qu’il n’a que trop contenue.

« - Qu'est-ce que tu attendais pour être à ta place ? Baise-moi maintenant. Dépêche-toi. On a beaucoup de temps à rattraper, je crois. »

Ichiro ajuste sa position pour avoir plus d’appuis sur ses jambes et ferme à demi les yeux alors que la main de son Silas vient serrer son cou avec force, le privant d’air. Un grondement de plaisir lui échappe et il ne tarde pas trop à enrouler ses mains autour des cuisses de sa sorcière, ses pouces reposant sur ses fesses, lui immobilisant ainsi le bassin. Il aurait voulu faire ça dans sa chambre mais, après tout, c’est tout aussi bien de commencer ici, n’est-ce pas ?

Sans plus attendre, il donne des hanches sans réellement se soucier du confort de son amant. Après tout, il est parfaitement au fait des gouts de ce dernier en matière de sexe. La pénétration est rapide et violente, les bruits de chairs venant se percuter l’une contre l’autre remplissant la pièce au même titre que les gémissements et grognements obscènes.

Ne pas être nu ne le dérange pas, que du contraire. Tant que son amant lui est totalement offert, cela lui va parfaitement. Il garde cette cadence infernale un moment avant de finalement se redresser, profitant de la force que lui octroie sa race pour embarquer Silas avec lui… à la seule différence qu’il passe ses bras de l’autre côté de ses jambes, le forçant à les relever pour changer l’angle de son bassin et lui facilité l’accès. Bien sûr, pour rester stable, le sorcier va devoir y mettre un peu du sien mais il est sûr que cela ne le dérange pas.

Sans plus attendre, il prend ses lèvres avec forces et passion, les dirigeant vers la chambre comme s’il s’était s’agit de son propre penthouse. Après tout, il est venu de nombreuses nuits ici sans que le propriétaire des lieux ne soit réellement au courant. Sans douceur, il le plaque contre un mur où il reprend ses activités, glissant en lui pour s’y enfoncer avec profondeur et force, maintenant un rythme soutenu, désireux de donner à son amant le meilleur orgasme de sa vie.

« - Jouis pour moi, Agápi… » ordonne-t-il tout contre ses lèvres.

La semence de son homme tache son costume et il grogne à peine à la constatation qu’il va devoir faire nettoyer avec beaucoup d’attention son costume de soie italienne. Mais bon, c’est Silas, il a le droit. Cependant, même s’il est celui qui lui a demandé de jouir, il lui touchera un mot plus tard sur comment son foutre a pu gâcher son beau costume. Après tout, il le porte tout spécialement pour lui, aujourd’hui. On peut même dire qu’il l’a acheté pour lui. Quelque part, il n’est que logique que ça soit son sperme qui le souille pour l’occasion… Une sorte de payement en nature pour lui rembourser le temps qu’il a pris pour lui préparer cette merveilleuse surprise qu’est sa présence. Après tout, il est tellement parfait qu’il ne peut réellement être acheté.

Lui, il ne jouit pas. Il lui en faut plus pour cela. Ce n’est pas une nouveauté. Il lui a toujours fallut plusieurs rounds avant de se vider dans les bras de sa petite sorcière. Ce n’est pas sa faute, elle est merveilleuse, elle est parfaite en tout point. Il a juste une endurance gagnée par les siècles de pratique. Silas retombe mollement dans ses bras, tremblant de l’orgasme qu’il vient de vivre. Ichiro ne s’arrête pas, continuant de prendre son plaisir, se frayant un chemin dans les chairs maintenant détendues. Il répond au baiser tendre de son amant, créant un étrange contraste avec la brusquerie de ses hanches.

Alors que son petit chat réclame, le griffant, le mordant, ondulant sur son membre érigé, il rit, le souffle court, reprenant possession des lèvres de son amant, il plaquant sans ménagement la tête contre le mur alors qu’il continue son affaire avec force et puissance. Il reprend sa prise sur les cuisses de son amant et les décolle enfin de la surface plane. Il fait quelques pas, restant enfoncé en lui, pour l’amener vers le lit. Un lit somptueux et bien trop grand pour une seule personne… Mais ce n’est pas le matelas moelleux qui l’intéresse, que du contraire…

Non, ce qu’il veut, c’est voir sa sorcière le chevaucher, lui permettant d’observer le somptueux décors de cette fresque qu’il a fait peindre en son hommage dans un endroit plus que stratégique. Il veut pouvoir s’admirer, admirer la profondeur de l’allégeance et de l’amour de son Ryokai tout en admirant sa profondeur et son étroitesse.

Il glisse hors de lui et le jette dans le lit. Tout habillé, son vit obscène et humide ainsi que les taches de foutre qui recouvrent sa chemise sont les seules choses qui trahissent la perversion du moment. Le membre érigé s’échappant de la braguette ouverte à l’air plus indécent que s’il avait été simplement nu, les poils pubiens se perdant dans les dents métalliques alors qu’il s’avance d’un pas, attrapant la main de Silas pour lui permettre de s’agenouiller sur le lit.

Ses mains glissent ensuite dans ses cheveux alors que ses yeux ne quittent pas le visage de son homme, tout tenté est-il de relever la tête pour se délecter de la vue du plafond. Non, le plus important, c’est Silas, c’est lui qu’il veut voir, c’est de sa vue qu’il veut jouir… Et en parlant de jouir, c’est que cette histoire commencerait presque à devenir douloureuse…

« - Tu sais ce qu’il te reste à faire, Agápi… » ronronne-t-il. « Déshabille-moi. »

Il tire le visage plus proche de son membre, laissant l’habitude du geste parler d’elle-même alors que son amant le prend entre ses lèvres, laissant l’Orgueil guider totalement le mouvement de ses va-et-vient de ses mains. Il se fraie son chemin, savourant la chaleur humide de la cavité buccale, poussant même jusqu’à gouter à l’étroitesse de la gorge de Silas, s’y attardant par moment avant de revenir.

L’on pourrait croire qu’il prendrait beaucoup plus soin de son amant, surtout après tant de temps sans le voir, sans le toucher, sans lui parler, sans l’avoir prêt de lui la nuit… Pourtant c’est encore une fois sans douceur qu’il prend possession de sa bouche, lui arrachant des sons étranglés qu’il aime à entendre pendant qu’il se fait du bien.

Cette vue… Cette délicieuse vue délectable. C’est bien qu’il a eu l’esprit horriblement occupé ces dernières années sinon il se serait bien trop languit de son Ryokai pendant tout ce temps. Et si l’Orgueil s’est déjà surprit à aimer, il n’a pas l’impression que cela ait jamais été aussi profond, aussi désespéré. Il se ment à lui-même mais aller lui faire accepter cela. La vérité c’est qu’en tant de siècles de vie, il a déjà aimé à s’en consumer lui-même. Mais ces histoires là ce sont effacées avec le temps, l’esprit sélectif de démon a, petit à petit, effacé les visages, puis les noms et enfin les sentiments. Il ne lui reste que le vague souvenir d’avoir été proche de quelqu’un mais alors qu’il détaille les yeux humides de sa sorcière, il pense sincèrement n’avoir jamais aimé aussi fort auparavant.

Il frémit alors qu’il se fait déshabiller, que sa peau découvre l’air frais et agréable de la chambre. Une partie de lui regrette de voir son beau costume être ainsi jeté au sol mais un gargouillé étouffé s’échappant des lèvres de son amant, vibrant tout contre son vit, le ramène au moment présent et au plaisir violent qu’il prend en ce moment.

Et quel spectacle s’offre à lui. Un sourire lui monte aux lèvres alors qu’il force Silas à aller plus vite. Ses yeux captent les siens et il se surprend à vouloir lécher cette larme qui coule sur le coin de l’un de ses yeux. Qu’il est beau, ainsi. Totalement offert, totalement à sa merci, totalement dévoué. Prostré à genoux, accueillant son organe entre ses lèvres telle l’offrande qu’il est.

Ses doigts se crispent dans les cheveux de Silas. Déjà ? Il s’était habitué à être plus endurant… Mais la vue qu’il lui offre ainsi… Et il se retient depuis si longtemps… Il lui a tant manqué… Il tire d’autorité la tête à lui, forçant son passage jusqu’à presser le nez de son amant contre ses poils pubiens. Et là, il lui fait le don de sa semence, jouissant au fond de sa gorge avide avec abondance. Un grondement lui échappe alors qu’il tremble légèrement.

Ses yeux s’étant fermés le temps de l’orgasme se rouvrent et un sourire amusé et mauvais lui monte aux lèvres alors qu’il contemple sa chose, son amour, son Agápi qui vient de recevoir le foutre démoniaque directement au fond de la gorge. Et alors, il se permet un pied-de-nez ultime, marmonnant quelques mots hérétiques dans sa bouche d’un souffle court.

« - Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. »

Un léger rire le prends alors qu’il relâche enfin sa prise, se retirant au passage des lèvres de Silas. Il caresse son menton, vérifiant d’un rapide coup d’œil qu’il ne lui a pas causé de quelconques dommages. C’est que la nuit est encore jeune. Il serait dommage de blesser si tôt sa fragile petite sorcière.

Il le fait s’allonger, le couvrant de son corps qu’il presse contre lui alors qu’il va prendre ses lèvres comme s’il allait mourir s’asphyxie de ne pas les embrasser. Il y goute son propre plaisir, le savourant dans cet échange indécent alors qu’il lie ses doigts à ceux de sa sorcière, lui faisant lever les bras au-dessus de la tête dans la manœuvre. Un ronronnement de fond de gorge lui échappe alors qu’il consent enfin à laisser son amant respirer un peu, allant plutôt s’attaquer à son oreille.

« - J’adore ce que tu as fait de l’endroit. » lui susurre-t-il à l’oreille.

Au vu de l’érection qu’il sent contre son bassin, il doute que Silas soit en état de comprendre qu’il n’a pas pu être apte à jeter un œil au plafond vu qu’il ne l’a pas quitté des yeux depuis qu’ils ont commencés à se tripoter. Peut-être comprendra-t-il que cela signifie qu’il est déjà venu ici avant ? Il aurait aussi bien pu faire le tour du propriétaire en l’attendant, après tout. Mais c’est plus fort que lui… L’Orgueil se doit de tester ses limites inexistantes, de tendre la perche pour de féliciter de se voir sortir d’une situation sans encombre alors qu’il aurait très bien pu se trahir lui-même et qu’il l’a d’ailleurs fait.

« - C'est donc toi qui rentrais chez moi... Tu aurais pu fermer derrière toi. Ce n'est pas toi qui payes les factures de chauffage. Et puis imagine qu'un oiseau se soit introduit dans mon salon ! Il aurait pu faire des dégâts et ruiner mon salon en plus de donner une indigestion à mon cher Monsieur Miaou. »

Prit sur le fait. Un léger rire échappe au démon, qui aurait pu se vexer de voir Silas lire dans son jeu… Mais il n’en est rien. C’est qu’elle est toujours aussi maligne, sa sorcière. Quelque part, c’est rassurant. Si l’idolâtrie qu’il lui voue est un pré-requit suffisant à son amour – après tout n’y a-t-il pas plus orgueilleux que d’être amoureux de ceux qui nous vénère ? C’est une manière, en soit, encore plus tordue de s’aimer, dans un sens – savoir que son Agápi est aussi capable de réflexion est un plus non négligeable. Surtout avec les plans qu’il a prévu pour lui dans le futur.

« - Je voulais te préparer à mon retour lentement. Cela m’étonne que tu n’aies pas comprit plus tôt. »

La vérité est toute autre mais il préférerait passer à nouveau une décennie sous les humeurs d’une Banshee tempétueuse que d’avouer que c’est la première fois qu’il a le courage de lui faire face. Lamentable. Il est lamentable et cela, ça vexe grandement son égo qui a du mal à se remettre de sa faiblesse des dernières années. De l’une des plus puissantes Moire du globe, il est devenu un sous-être.

Un moins que rien, un raté, un impuissant. Il est devenu la racaille et la vermine qu’il méprise. Plusieurs fois, il s’était approché de la silhouette endormie, tendant une main, manquant de peu effleurer l’épaule dénudée voir, parfois, carrément son fessier dans l’optique d’y glisser un doigt pour un réveil tout en douceur. Mais, à chaque fois, l’état de faiblesse dans lequel il est lui a empêcher de franchir le pas et il s’en était allé, la colère au fond de la gorge, allant se payer les premiers gigolos de passage pour occuper son esprit à autre chose qu’à sa sorcière bien aimée.

Sans doute est-ce pour cela que, aujourd’hui, il est venu plus tôt. Pour ne pas pouvoir avoir la capacité de prendre la fuite. Il le sait, même diminué, il reste le meilleur. Mais c’est tellement frustrant, tellement rageant. Ce qu’il aimerait retrouver cette Banshee pour lui faire gouter à sa colère et à sa haine.

« - Tu es mille fois mieux en chair et en os..., mais je dois bien avouer que cette peinture te rend incroyablement bandant. C'était le but, d'ailleurs.
- On en fera une reconstitution en nature alors, s’il n’y a que cela pour ton bonheur. » roucoule-t-il.

Silas retourne les positions et un sourire satisfait monte aux lèvres du démon. Enfin, il prend quelques initiatives. Comme quoi, la surprise des retrouvailles imprévues doit enfin commencer à lui passer. Il se laisse faire, totalement alanguit dans le lit, en pleine confiance. Un sourire satisfait flottant sur les lèvres, il observe le superbe tableau de sa sorcière se détachant sur le plafond ne représentant pas moins que son obsession pour lui. Comment ne pas bander à la simple vue qui s’offre à lui ?

« - Regarde-toi. Admire-toi. Vois comme tu es beau mon Ichiro... Vois comme tu es parfait et comme je t'aime. »

On bruit de fond de gorge lui échappe alors qu’il observe docilement la preuve incarnée de l’obsession de son amant, de sa fidélité et de son amour. Il aime ce plafond et, sincèrement, il aimerait s’endormir en dessous tous les soirs. Il laisse la bouche et les mains curieuses courir sur son corps, totalement offert, détaillant la peinture comme il ne s’était jamais autorisé à le faire d’ici là. Chapeau bas à l’artiste, cela lui plairait de rencontrer cette personne pour lui demander d’autres œuvres de son cru pour sa propre demeure. Curieux qu’il n’ait jamais pensé à faire ce genre de chose.

Quelque part, cette œuvre d’art d’une qualité excise est bien plus flatteuse et bandante que le miroir qu’il a au-dessus de son propre lit, chez lui. Un râle de plaisir coule volontairement hors de sa gorge alors qu’il retrouve l’intimité étroite de son amant. Il se mord les lèvres avec force, observant l’indécent spectacle qui s’offre sous ses yeux, savourant chaque instant du tableau unique qui se dévoile à lui.

Et si l’Orgueil aime être dirigiste et contrôler chaque étape d’une relation sexuelle, dans des cas comme celui-ci, il aime aussi se laisser aller à la paresse de laisser son partenaire faire la totalité du travail, ce qu’il compte bien faire ici. Il ne se prive cependant pas pour toucher, caressant hanches et fessier avec délicatesse, laissant le plein contrôle à son amant.

Et quelque part, plus qu’un abandon, c’est un test. Il veut voir. Il veut voir jusqu’où ira son fidèle alors qu’il le laisse le chevaucher comme s’il n’était qu’un simple sextoy. Il veut voir son bonheur de l’accueillir en lui. Il veut le voir mendier pour son sexe, onduler comme la dernière des catins pour venir chercher son plaisir de lui-même. Et si ses hanches ne bougent pas d’un iota, cela ne signifie pas pour autant qu’Ichiro prend énormément de plaisir à ce genre de rapport qu’il considère comme des offrandes à sa personne.

« - Tu m’as manqué, Ryokai. Il va falloir prendre tes responsabilités maintenant. Ne me laisse plus. Plus jamais. »

Il le tire d’autorité à lui, le forçant à se pencher pour qu’il puisse lui suçoter le lobe de l’oreille avec gourmandise et envie.

« - Je te donne une semaine pour arranger l’administratif et trouver une solution pour le plafond. Tu viens vivre chez moi à Osaka. Ce n’est pas négociable. Je ne te veux plus aussi loin. »

« - Plus jamais. Je te le promets... Mais... je t'en prie, Ichiro, ne m'appelle plus comme ça. Ryokai est mort... il n'existe plus depuis longtemps. Il est l'image d'une sorcière que je ne veux plus jamais être. Maintenant, c'est Silas, un homme à qui tout réussi, un tueur de Sorcière, ton bras vengeur... »

Ryokai est mort, longue vie à Ryokai alors. Quelque part, Ichiro se vexe un peu d’un tel discourt, pas bien sûr de savoir si cela lui fait plaisir ou pas. Ryokai est celui qu’il a modelé comme s’il n’avait été fait que d’argile et d’eau, incarnant pour le jeune homme le rôle d’Héphaïstos a eu pour Pandore. Et ensuite il lui avait donné la vie, lui ouvrant les yeux sur la suprématie des démons, sur l’importance qu’il allait avoir dans sa vie… Tout comme Athéna a donné vie à Pandore et tout comme elle, il avait rhabillé Ryokai, lui refaisant sa garde-robe.

Le parallèle avait ensuite continué alors qu’il lui avait offert la beauté, lui payant une chirurgie plastique pour s’allonger un peu le nez. Il avait insisté sur la chose, ne tenant pas à sauter l’étape d’Aphrodite qui offre la beauté. Ensuite, il avait endossé le rôle d’Apollon, lui apprenant le violon et, pour finir, il avait porté ses masques préférés, ceux d’Hermès et de Héra, apprenant à Ryokai le mensonge, la persuasion, la curiosité et la jalousie.

Mais à l’instar de Zeus, il ne comptait pas offrir sa précieuse création à un autre. Il aurait été tentant de l’envoyer juste se suicider dans les rangs des sorcières, l’y lancer en lui demandant d’y jouer les kamikazes et voir la quantité de dégât qu’il aurait pu y faire. Mais non, il s’était attaché à sa création et n’avait pu se résoudre à lui rendre sa liberté. Son travail avait été si parfait, si précis. Nul doute que même celle qu’il considère comme sa mère, Pandore, n’avait pu être aussi parfaite que son Ryokai.

Et là, il lui dit en face que Ryokai, cela ne lui allait pas, qu’il préfère être Silas. Yperifáneia n’est pas bien sûr de la chose… Est-ce que Silas est une réappropriation de lui-même ou bien est-il sa chose, celui qu’il a construit avec tant de patience ? Après tout, il lui a dit être devenu son bras vengeur… Mais est-ce bien ce qu’il a modelé de ses mains ? Probablement. D’un haussement d’épaules mental, le démon décide que ça n’a pas grande importance. Il veut être appelé Silas, il le sera. Mais il va devoir s’y habituée. Après tout, cela fait tant d’année qu’il pense à lui comme Ryokai. Il ne peut pas vraiment lui promettre de ne pas laisser échapper quelques fois son ancien prénom par habitude.

« - Tout ce que tu voudras... rien ne me rendrait plus heureux. Han... ah... là... je crois que je le tiens... »

Un bruit de fond de gorge échappe au démon qui ne peut que se montrer ravi de voir Silas se plier à sa demande sans protester. Beaucoup se seraient plaint de bien de choses… Vivre à Osaka est dangereux pour une sorcière mais Ichiro compte bien faire comprendre à tout le monde que celle-là est chasse gardée, que le premier qui osera lui faire le moindre mal aura affaire à lui. C’est sans doute pour cela qu’il voulait attendre d’avoir récupérer un peu de puissance pour revenir dans la vie de Ryokai… Pour être sûr d’être une menace suffisante que pour assurer sa sécurité.

Toujours immobile, il observe le spectacle de la décadence, son plus fidèle sujet monter et descendre sur son vit, réclamant son désir et son plaisir au plus profond de lui. Il frémit d’extase à voir une telle preuve d’adulation pour lui, une telle envie, un tel besoin. C’est une urgence qu’il voit devant lui alors que la chair claque, Ryokai venant abattre son bassin tout contre lui avec force et passion, ses longs gémissements lui échappant à chaque mouvement, emplissant la pièce tel une délicate fragrance de foutre après une journée à s’envoyer en l’air.

« - Yperifáneia... prince de l'Orgueil, offre-moi la puissance de tes reins ! Viens, viens en moi me montrer ! Montrer toute la grandeur dont tu es capable, si tu m'en juges méritant... Profane-moi encore, encore et encore... jusqu'à ce que ton plaisir soit complet. Ravage-moi, écrase-moi... Putain, Ichiro... ce que je peux avoir envie de toi... »

Un sourire ravit aux lèvres, le démon empoigne les fesses de la sorcière, se redressant pour voler ses lèvres l’espace de quelques instants, se relaissant ensuite tomber dans les draps, suintant l’arrogance et la satisfaction.

« - Ce que tu es beau quand tu me mendies ainsi, Agápi… et tellement impatient… »

Sa voix grave et rauque glisse avec douceur hors de ses lèvres comme s’il s’était s’agit d’une quelconque mélopée sans rythme, sans chant. Une voix d’outre-tombe qui charme et qui flatte. Et, sans attendre plus longtemps, il rentre à nouveau dans la danse, donnant à nouveau des hanches avec vigueur, donnant à son fidèle ce qu’il lui a réclamé, ce pour quoi il a imploré.

Avec force il s’impose en lui, le festival de claquement reprenant leur route. Combien de temps cela dure-t-il ? Il n’en sait trop rien. Silas jouit une première fois sur son torse, tremblant et ravagé par son orgasme alors que le démon ne lui donne pas de répit, continuant de s’imposer avec force en lui malgré qu’il ne soit plus qu’une forme recroquevillée tout contre lui, implorant pour plus malgré que son corps semble lui hurler son besoin de repos.

Il continue donc sa danse infernale, prenant sa sorcière dans ses bras, le maintenant tout contre lui alors qu’il continue son affaire. Cette odeur qui emplit ses narines. Celle de son Agápi. Elle s’additionne à merveille avec cette peinture qu’il ne pense pas se lasser de regarder. Vraiment, cette œuvre d’art devra venir à Osaka, elle aussi. Peu importe qu’ils aient l’air de deux fous et qu’ils fassent la une des infos pour cette exubérance. Il n’en n’est plus à cela prêt, après tout.

Il le maintien ainsi tout du long, lui gémissant au creux de l’oreille avec une indécence salace dont il est plutôt fier. Et, pour cette seconde fois, ils jouissent ensemble, Ichiro laissant un râle d’extase couler hors de sa gorge alors qu’il se déverse en lui, plus qu’heureux de retrouver la sensation d’éjaculer au plus profond de ses boyaux. D’une main qu’il aurait aimé moins tendre, il va réarranger les cheveux trempés et collant de transpiration de son homme.

« - Raconte-moi… Si Ryokai est mort, je veux apprendre à connaître Silas… Je n’ai pas pu te voir pendant si longtemps, j’ai beaucoup de choses à rattraper sur ce qui a fait ta vie ces dernières années. Et je préfère entendre tout cela de ta bouche que de part internet… »

Cette douce faiblesse dont ses assauts sont la cause… Qu’il aime sentir son Silas fébrile à ce point entre ses bras, incapable de parler, incapable de respirer calmement, au bord du malaise. Qu’il est bon de le voir aimer se faire malmener de la sorte, que de le voir se laisser trainer jusqu’à la limite de ce que son corps peut tolérer. Il lui avait demandé de le ravager et le démon n’est que trop heureux que de se montrer son obligé. Dire que le sexe avec sa sorcière lui a manqué est un doux euphémisme, même en cherchant dans le milieu du BDSM, peu son ceux à tolérer de se faire secouer à ce point, peu son ceux à le réclamer avec autant de force, à supplier pour être brisé de sa main… ou d’autre chose.

« - C'est... une longue histoire. Ichiro, pardonne-moi, mais je vais... je vais avoir besoin... d'une pause. Une toute petite pause avant de... de pouvoir raconter. »

Un sourire satisfait monte sur les lèvres du démon. Qu’il aime le voir ainsi, au bord de l’épuisement, son corps lui implorant une pause, une respiration. Il aime être celui qu’il laisse l’amener à ce point sur ses limites. Sans doute est-ce que cela a toujours été présent entre eux… Silas cherche jusqu’où il est capable d’aller pour satisfaire son démon et Ichiro cherche à pousser sa sorcière toujours un peu plus loin tout en prenant un soin méticuleux à ne pas le briser dans le processus.

Moins tatillon que son amant, la Moire tire le drap à lui, épongeant la fine pellicule de transpiration qui recouvre sa peau. La sienne ou celle de Silas ? Il n’en sait trop rien. Il sait juste qu’il a de toute évidence moins suer que son amant est tout simplement en nage. Il faut croire que cela faisait un long moment qu’il n’avait plus connu d’amants à sa hauteur. Il faut bien avouer qu’Ichiro a du mal à voir qui pourrait être à sa hauteur dans l’entourage de sa sorcière. Et de ce qu’il en a vu, son régime sexuel était plutôt… plat… et sans intérêt.

De la jalousie ? Non… ce n’est pas son genre. Au contraire, il est plutôt partageur, préférant que son amant se fasse ses propres expériences. Il n’a pas peur de souffrir d’une quelconque comparaison, tout confiant qu’il est de détenir le cœur et le corps de son amant. Mais après tant d’années, il doit reconnaître, en son for intérieur – hors de questions de verbaliser ce genre de mièvreries – que cela lui avait fait quelque chose de le voir en bonne compagnie l’un des soirs où il s’était glissé dans sa chambre. Un jeune éphèbe dont la totalité du charme devait se contenir dans son physique, s’il se fiait aux quelques recherches qu’il avait pu faire sur son smartphone après avoir fouillé les vêtements du jeune homme allongé aux côtés de sa création, de sa possession, de sa chose.

Qu’est-ce qui avait pu faire baisser à ce point les standards en matière de sexe de Silas ? Il pensait pourtant l’avoir bien éduqué à l’époque. Il pensait lui avoir donné une voie à suivre. Ou bien le désespoir était-il trop grand ? Le gouffre de son absence trop difficile à remplir ? C’était probablement cela. C’était ce que le démon s’était dit alors qu’il avait jeté la carte d’identité du bel éphèbe par la fenêtre. Tant pis pour lui. Mais, bien sûr, cela n’avait strictement rien à voir avec le fait qu’il soit dans le lit de Silas, non, pas du tout… Sa sorcière, à la manière d’un alcoolique avait dû se tourner vers de cru de mauvaises qualités pour pouvoir gérer son addiction, voilà tout.

Son regard glisse sur l’homme qui l’obsède, qui tourne dans ses pensées à ne plus savoir quoi en faire et il sourit alors qu’il repère sa démarche instable. Vraiment, il va devoir l’habituer à nouveau. Il a presque l’impression de tout devoir reprendre de zéro. C’est frustrant mais à la fois terriblement excitant. Comme un nouveau départ, comme une nouvelle chance. Et, cette fois ci, ils n’auront plus la famille du jeune homme pour se mettre en travers de leur route. Ils seront libres de toutes les horreurs auxquelles ils jugent bon de s’adonner.

« - Ouf... il va falloir que je me réhabitue à ça. Je vais me rincer sous la douche... que dirais-tu d'une coupe de champagne dans le jacuzzi, ensuite, pour fêter nos retrouvailles ? Juste pour marquer le coup. Il va falloir que je mange quelque chose aussi, j'ai frôlé le malaise, je n'ai avalé qu'un toast et un café ce matin et le bento offert par ma voisine pour ce midi était décevant, j'y ai à peine touché. »

Ichiro est déjà debout, prêt à se diriger vers la cuisine. Il oublie souvent cela… Ces foutus humains et sorcières ont besoin de manger pour survivre… Et de boire… Vraiment, que c’est rébarbatif et ennuyeux. Il s’étire, se sentant revigoré par l’effort et prêt à laisser la nuit toute entière s’écouler en compagnie de sa sorcière. Il a tendance à l’oublier aussi quand il est à ses côtés, les humains ont besoins de dormir. Et il sait que Silas aimait bien à l’époque quand il restait à ses côtés pour la nuit. C’est long, une nuit passée à ne rien faire à part regarder quelqu’un dormir. Une chance, entre temps, le smartphone a été inventé et démocratiser. Et il aime bien de temps en temps se faire une partie de Clash of Clan ou de Candy Crush, même si ce dernier est largement passé de mode.

« - Si c'est un rêve, pourvu que je ne me réveille pas.
- J’ai pensé te faire le coup l’un des soirs où je suis passé te voir. Mais il faut croire que je ne suis pas sadique à ce point. »

Il lui glisse un clin d’œil alors que Silas file dans la salle de bain. Lui, il a une autre direction. La cuisine. Il y trouve le champagne qui reposait au frais et sort deux coupes pour aller avec. Il se souvient alors que sa sorcière avait mentionné avoir faim. Perplexe, il observe le frigo rempli d’aliments. Il connait les noms, les origines et tout ce qui va avec… Mais il serait bien incapable d’associer les aliments ensemble pour faire quelque chose de bon… Et ce n’est pas vraiment comme s’il avait le temps de cuisiner… Et, à vrai dire, il ne sait pas cuisiner… Enfin, si… Mettre de la viande dans une poêle et attendre que ça prenne une teinte un peu brunâtre, il sait faire… Mais de là à vraiment cuisiner de vrais repas…

En désespoir de cause, il sort du thon et quelques sauces et vinaigres, bien décidé à préparer des onigris en suivant une recette sur son smartphone. Il y a un reste de riz gluant dans un coin du frigo, après tout… Au moment d’ajouter le sucre à sa farce, il se trompe et rajoute du sel sans s’en rendre compte… beaucoup trop de sel. Il cligne des yeux, observant sa bêtise avant d’hausser les épaules, ça n’est que du sucre n’est-ce pas ? Il trempe un doigt dedans et l’amène à ses lèvres, le léchant comme s’il espérait être apte à gouter quelque chose… Et ne goute rien. Tant pis… Il finit de préparer les onigris rapidement, disposant le tout sur une assiette avant de ramener le tout au jacuzzi qu’il ne se fait pas priver pour allumer. Il se glisse ensuite dedans, satisfait de la sensation chaude et des bulles qui l’entourent rapidement. Il récupère la bouteille et en fait sauter le bouchon alors que Silas le rejoint. Il sert ensuite les deux verres, tendant l’une des flutes à champagne à son amant.

« - Je t’ai préparé un truc à manger. » ajoute-t-il avec un léger sourire, désignant les onigris qu’il ne pense sincèrement pas avoir raté.

La tête que fait le sorcier alors qu’il mord dans l’onigri fait lever un sourcil au démon. Allons bon… Il ne peut pas avoir raté quelque chose d’aussi simple, tout de même ? Il sait qu’il n’est pas particulièrement doué en cuisine humaine mais allez-vous en préparer des mets dignes de rois quand on n’est pas capable de gouter le moindre aliment avec lequel on travail. Ce serait comme demander à un aveugle de monter un défilé de mode à lui tout seul ou à un sourd de naissance de composer une symphonie entière. Certes, il pourrait y arriver s’il s’en donnait le temps. Mais il n’a aucune passion particulière pour la cuisine humaine et jusqu’à rencontrer Silas, il n’avait jamais réellement eu aucun intérêt à cuisiner pour un humain… ni même l’envie. Mais sa sorcière a le chic pour lui faire découvrir de nouveaux horizons, même après plus de deux milles ans de vie.

En silence, il l’observe se forcer à manger, ne pensant même pas à la possibilité de lui dire de ne pas se forcer si c’est immangeable. Il a parfaitement conscience à voir la tête de son amant que sa tentative de repas est un échec total mais il lui parait normal que Silas consomme cet insigne honneur qu’est le fait de se faire faire à manger par un démon de son âge. Bien sûr qu’il va tout manger jusqu’au dernier grain de riz, il n’y a pas d’autres solutions possibles. Et ce n’est même pas par cruauté qu’il en arrive à cet état d’esprit. Juste… Il n’y a pour lui pas d’autres manière de fonctionner. Et, après tout, cela ne va pas tuer Silas n’est-ce pas ? Pourquoi lui dire de ne pas se forcer du coup ? Surtout qu’il l’a dit lui-même, il n’a rien mangé de la journée, ou presque. Ça doit se nourrir, une sorcière.

« - Hum... c'est... c'est très bon. Mais heu... ce serait encore meilleur avec un... un tout petit peu moins de sel.
- Je n’ai pas utilisé de sel. J’ai renversé trop de sucre, ça c’est sûr, mais je n’ai pas ajouté de sel. »

Sûr de lui, il ne pense pas non plus au fait que sucre et sel sont semblables au premier coup d’œil et qu’il aurait pu se tromper. Il ne fait pas d’erreurs, après tout. Silas doit se tromper dans ce qu’il goute, c’est tout. Cependant, il le laisse venir se caller tout contre lui, jetant un bref coup d’œil au repas abandonné. Bah, sa sorcière y reviendra quand il en aura envie. Il aurait juste apprécié de le voir se montrer un peu plus respectueux de l’honneur qu’il lui a fait en prenant la peine de lui cuisiner quelque chose, tout aussi mauvais soit-il dans le domaine. C’est un gros problème qu’il a que de ne pas être capable d’assumer le fait d’apprendre quelque chose d’un humain. Et, à part Blair dont il ignore les talents de cuisinière, il ne connait pas vraiment de démons s’étant intéressé à la gastronomie humaine pour lui apprendre. Et sans pouvoir gouter ce qu’il fait, il est difficile d’apprendre par lui-même.

Il sert sa sorcière dans ses bras, lui caressant l’épaule du pouce avant de laisser ses mains se perdre dans ses cheveux, le décoiffant avec un certain plaisir taquin. Il n’a pas manqué la coiffure réarrangée de son amant au sorti de la salle d’eaux.

« - Je pensais sincèrement ne jamais te revoir... Ichiro, j'ai envie de savoir, avant de te raconter ce que j'ai fait ces dernières années en ton absence. Pourquoi suis-je en vie ? Je suis tombé de tellement haut... je ne me l'explique pas. J'ai perdu connaissance pendant ma chute. Tu sais... je dois t'avouer... pendant longtemps je t'en ai énormément voulu de t'être sacrifié pour moi. Toi et moi, on sait que ce n'est pas dans ce sens-là que ça doit se passer. C'est à moi de me donner pour toi, Ichiro... je me sens horriblement mal que tu ais dû perdre tes pouvoirs juste pour sauver ma peau... »

Les deux mains du démon n’attendent pas avant d’empoigner les épaules de Silas, se crispant sur ces dernières alors qu’il le repousse avec un peu de brusquerie, son regard furieux se posant sur lui. A-t-il bien entendu ? Non, cela ne va pas. Cela ne lui pas va du tout, même. Avec une lenteur effrayante et calculée, l'une de ses mains lâche son épaule, allant se resserer sur sa gorge, l'étranglant sans la moindre once de pitié.

« - Fais encore une seule fois preuve de pitié envers moi et je te jure que je t’étripe ton chat pour te pendre avec ses boyaux à la façade de l’immeuble. Et cette fois ci, Blair ne sera pas là pour te sauver les miches avant que tu ne claques. Je n’ai rien perdu, je ne suis pas faible. Me suis-je bien fait comprendre ? »

Il soutient un peu son regard avant de lâcher sa gorge et de le tirer à nouveau à lui, lui enfouissant d’autorité sa tête dans son cou, sa main se perdant dans ses cheveux. Ses yeux à lui scrutent la pièce. Il a encore recommencé. Foutues instabilités. Comme tout démon millénaire, il lui arrivait d’avoir de temps en temps des sautes d’humeurs avant… Mais depuis qu’il est sorti de sa décennie de torture physique et psychologique, Ichiro n’est plus aussi stable qu’avant.

La moindre petite contrariété peut le faire rechuter à nouveau. Il ferme les yeux, essayant de se recentrer. Il ne manquerait plus qu’il perde à nouveau la tête et s’attaque à Silas sans le vouloir. C’est déjà arrivé depuis sa remise sur pied psychologique. Cela fait deux ans maintenant qu’il se considère à nouveau capable d’interactions sociales mais, dans ce laps, de temps… Combien de fois a-t-il attaqué Blair sans pouvoir se maîtriser ? Une chance pour la petite yokai, il était largement diminué dans ses pouvoirs et elle pouvait juste se rendre intangible pour éviter l’attaque.

Cependant, il ne s’excusera pas pour son tour de sang ici. Effectivement, Silas n’a pas à lui manquer de respect de la sorte en sous-entendant qu’il est devenu une larve impuissante, même si c’est pour le sauver lui. Il garde le silence de longues minutes, se laissant le temps nécessaire pour ravaler cette colère furieuse et défensive qui tourbillonne bien trop facilement en lui depuis sa séquestration. Il faut dire que sa claustrophobie n’a rien arrangé à tout cela, elle non plus. Le rendre totalement fou dans cette pièce n’avait pas été bien difficile…

Quand il se sent enfin à nouveau apaisé, il rouvre les yeux et recommence à jouer avec les cheveux de son amant, comme un signe tacite et muet du fait que, c’est bon, le message est passé, il ne lui en veut pas.

« - Quelques semaines avant ce soir-là… J’ai eu une vision. Je me suis vu en train de te pousser de ce toit. Cela allait arriver, je ne pouvais pas l’empêcher. Alors j’ai plutôt travailler aux circonstances autours. Tu as été ramassé au vol par Blair, une yokai de ma connaissance pour qui je suis une sorte de mentor. Elle t’a mis en sécurité et a pris soin de toi pendant que je ne pouvais pas le faire.

Ce n’était pas un sacrifice. Je me doutais bien qu’en me rendant, ces sorcières avares de pouvoirs n’auraient pas pu résister à l’idée d’avoir une Moire en devin personnels. Je n’avais juste pas vu les banshee venir. Sans elles, j’aurais pu m’échapper à la première marque d’inattention de leur part. Je ne me suis pas sacrifié pour toi, je nous ai acheté du temps. Et, au bout du compte, dix ans, dans ma vie, ça n’est pas tant que cela.

Mais assez parlé de cela. Ce sujet est déprimant et je n’ai aucune envie de te donner les détails de mon séjour dans ta famille. Je préfère largement que nous parlions de tes choix de vie depuis lors. »

« - J'ai changé d'identité et j'ai fui Kagoshima pour venir ici, là où j'étais certain de trouver une grande concentration de sorcières. J'ai enchaîné un tas de petits boulots pour pouvoir me payer des études de journalisme, j'ai obtenu mon diplôme et j'ai parcouru le monde pendant quelques années en tant que reporter.

C'était fascinant, mais pas toujours très pratique pour trouver des sorcières, je ne restais jamais assez longtemps pour pouvoir enquêter sérieusement sur mes suspects. Alors j'ai fait en sorte de décrocher un poste fixe pour la NHK, la chaîne pour laquelle je travaillais, sauf que j'étais encore très jeune et que la concurrence était rude. Coup de bol, il s'avère que le patron a des goût assez prononcés pour les beaux garçons.

J'ai pas eu de mal à m'en rendre compte, il me bouffait des yeux, il attendait que ça de pouvoir me sauter, alors je suis passé sous le bureau comme on dit et j'ai eu le job, je suis devenu présentateur et ça fait cinq ans maintenant. Entre temps, j'ai séduit un très riche et très seul entrepreneur qui a eu vite fait de vouloir faire de moi son unique hériter.

Je m'en suis pas encombré. J'ai fait en sorte qu'il ait rapidement un petit accident et j'ai mis ça sur le dos des sorcières. Et voilà... je suis devenu millionnaire, j'ai étendu mon réseau de connaissances et régulièrement, j'enquête sur des sorcières et je les tue. Je crois bien que j'en suis presque à cinquante victimes en dix ans, mais je laisse toujours couler un peu de temps, histoire de pas trop attirer l'attention. »

Il hoche la tête. Il n’en attendait pas moins de Ryokai, après tout. Si les dégénérés qui vivent dans la phange et les ordures sont une majorité sur cette terre, il se voit mal être attaché à quelqu’un qui n’ait pas un minimum de standing. Et c’était cela qu’il avait repéré en Silas dès le premier jour. Son amour pour le monde démoniaque, cette puissante volonté de se tracer son chemin, peu importe ce que cela coutera.

Sa sorcière est faite du bois des vainqueurs et cela, il l’a remarqué immédiatement. Sans doute se serait-il détourné de lui sans un regard, amer et déçu, s’il s’était avéré que son Ryokai avait fini par devenir une racaille des rues. Mais il n’en est rien. Personnalité publique, millionnaire par héritage forcé, qui couche pour réussir. Vraiment, il n’aurait pu être plus fier de lui. Mais il ne verbalisera pas la chose. Hors de questions. Pas qu’il ne veuille pas lui faire plaisir, loin de lui cette horrible idée… Il n’a juste jamais réellement été à l’aise avec le concept d’évoquer ce genre de sentiments… Ou même de les identifier clairement… Du moins, c’est ce qu’il pense et se dit pour se rassurer lui-même.

En silence, il boit sa flute d’une traite. Vraiment, il aimerait bien connaître la sensation de l’ivresse rapide des humains. C’est que ce liquide est d’un plat et d’un désintérêt total sur son palais… ça à l’air amusant de se foutre des murges, il est dommage qu’il ne puisse pas vraiment s’y adonner. Mais il sait d’expérience que cela rassure les humains et les sorcières que de voir un démon manger et boire avec eux.

On lui a dit longtemps que ça rendait les choses moins étranges et que ça chassait le malaise sous-jacent au fait de se faire regarder en train de manger et boire par quelqu’un qui ne le fait tout simplement jamais et qui ne vous lâche pas des yeux pendant votre activité nutritive. Il a beau être un sociopathe avéré, il retient les choses, quand on les lui explique. Il laisse Silas le resservir, un léger sourire aux lèvres pour le remercier.

« - Je te demande pardon, Ichiro... je t'assure que ça n'arrivera plus. »

Reconnaître son instabilité à voix haute ou laisser sa sorcière bien aimée dans sa déception ? Sans doute qu’en temps normal il ne se serait pas montré aussi agressif avec lui. Il lui aurait fait une remarque sèche et lui aurait pincé un téton sans douceur mais jamais il ne l’aurait étranglé avec tant de colère et de hargne, pas pour son Agápi, en tout cas.

C’est mauvais et Ichiro n’aime pas bien cela. Il devrait avoir un meilleur contrôle de lui-même. Mais certains sujets sont encore plus délicats qu’avant pour lui alors qu’il ne peut oublier les rires obsédants de la sorcière qui le maintenait sagement attaché, celle qui lui rappelait constamment qu’il n’était qu’un moins que rien, un dégénéré attaché à un poteau et qu’il pouvait être abattu comme un vulgaire clébard n’importe quand. On avait même essayé de lui faire croire que Silas n’avait jamais été qu’un appât, un acteur cruellement doué qui l’avait ramené dans les filets de sa famille pour leur compte.

Sa main se glisse à nouveau dans ses cheveux alors qu’il penche la tête, lui offrant un meilleur accès à son cou pour qu’il puisse l’embrasser, le lécher, le sucer, le mordre, tout ce qu’il veut. Ses doigts descendent, allant chatouiller sa nuque quelques instant avant de chuter dans son dos. Il dépose sa coupe de champagne avant de saisir la sorcière par les hanches, le faisant s’asseoir à califourchon sur ses genoux, le forçant par la même à quitter sa nuque et se redresser. Il plante son regard dans le sien, sérieux comme la mort.

« - Excuses acceptées mais il y a intérêt à ce que cela n’arrive plus. Et je dis ça pour ta propre sécurité, Agápi. Je m’énerve plus facilement qu’avant sur pas mal de sujets et je ne me contrôle pas toujours quand je suis dans cet état. Je ne veux pas que tu me pousse à te tuer par accident. »

Ses mains palpent le fessier musclé de son amant alors que c’est son tour de partir à l’assaut de son cou, s’attaquant à lui laisser un beau suçon. Le résumé de la vie de la sorcière n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Il est présentateur pour la NHK… Cela veut dire qu’il y a de fortes chances qu’une grande partie du pays voit cette marque de possessivité sur son cou et qu’ils sachent alors que la sorcière est chasse-gardée. Il faut bien avouer qu’il n’en faut pas beaucoup plus pour faire mourir d’envie à Ichiro de marquer cette peau fine, pâle et délicate des traces de son passage. Satisfait de son œuvre, il relâche la peau qui bleuit déjà, léchant le derme maltraité.

« - C’est un beau score que tu me tiens là. Je suis ravi de voir que tu as tenu ta promesse, même en me pensant mort. Je n’en attendais pas moins de toi mais je sais aussi à quel point ta race peut manquer de loyauté. »

C’est peu de le dire… Les sorcières n’existent que parce que les démons ont bien voulu leur donner accès à leurs pouvoirs, même si cela n’en est qu’une infime fraction. Il faut être stupide pour espérer parvenir à mettre à genoux ceux-là même qui leur ont offert un don qui ne peut être acheté tant sa valeur est immense. C’est un honneur qui n’a pas été respecté, les générations se succédant et l’avidité coulant dans leurs veines.

« - Tu ne m’as pas expliqué… Quand t’es-tu encombré de ce gros sac à poils qui traine dans ton appartement ? Dis-moi au moins qu’il s’agit d’une sorcière qui a été changée de force en chat et que tu humilies au quotidien. Je ne te vois pas avoir un familier aussi banal qu’un chat. »

« - J'ai trouvé Monsieur Miaou coincé dans la benne à ordures dans la ruelle au bas de l'immeuble, il y a huit ans. Il était tout jeune et blessé, alors j'ai pris soin de lui et j'ai décidé de le garder. Ça me faisait quelqu'un à qui parler... je l'adore ce chat. Et puis je suis sûr qu'il a quelque chose de spécial, même si je sais pas encore bien quoi, il a un truc dans le regard et parfois, j'ai même l’impression qu'il lit dans mes pensées. Tu apprendras à l'apprécier, j'en suis sûr. Il... il pourra venir chez toi aussi, n'est-ce pas ? C'est un chat très calme, très propre et il ne fait jamais de dégâts, je t'assure qu'il ne posera aucun problème ! »

Peut-être n’est-ce pas le temps de sourire mais Ichiro ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec quelqu’un d’autre, lorsqu’il entend cette histoire. Un pauvre chaton ramassé dans une benne à ordures ? Cela ressemble fort à lui ramassant son lamia dans sa famille de sorcière. Une ordure reste une ordure, qu’elle soit organique ou qu’elle soit raciale. Et si Silas n’avait pas eu de blessures ouvertes, il n’en souffrait pas moins des blessures de son éducation… Sauf que son chaton à lui fait des dégats, et pas des petits. Mais c’est ainsi qu’il l’apprécie et qu’il l’a voulu. Il faut être idiot pour ne pas se rendre compte du potentiel de Silas, après tout.

Mais… Monsieur Miaou ? Déjà, le nom est ridicule… Et en plus, ça n’est qu’un simple chat. Ok, la sorcière est peut-être persuadée d’avoir un lien particulier avec l’animal mais n’est-ce pas le cas de tous les humains un peu nœud-nœud qui possède un chat ? A les entendre, ils possèdent tous le félin le plus malin et le plus intelligent du monde qui les comprends parfaitement dans les moindres détails. Stupidité affolante que cela.

Mais alors que la bouille suppliante de sa sorcière se transforme en quelque chose de plus joueur, le démon sait que les négociations vont se montrer beaucoup plus intéressantes, soudainement. Et, comme de fait, le lamia se met à remuer tout contre lui avec une lenteur indécente. C’est qu’il est bien éduqué, son chaton à lui.

« - Dis oui... et je te fais ta fête façon mauvais garçon dès que j'ai terminé mon assiette... »

Comment refuser de telles avances ? Déjà, le corps d’Ichiro réagit aux attentions de sa sorcière, se tendant vers lui avec envie. C’est que cela fait tellement longtemps maintenant… Même pour être millénaire comme lui, l’absence avait commencé à se faire sentir de manière bien trop oppressante. Nul doute qu’il aurait pu finir par oublier totalement l’existence même de Silas si cela avait continué plus longtemps. Et, quelque part, quand il est emporté dans ses crises de furie aveugle, c’est un peu ce qu’il se passe. Il oublie toutes ces personnes qu’il connait et qu’il aime, il oublie qui elles sont et ce qui les rattache à elles. Quand il est dans cet état, il n’y a plus que des ennemis à abattre pour faire taire la souffrance et l’angoisse.

Le démon se penche, attrapant l’onigri dans lequel Silas a déjà mordu pour ensuite empoigner les cheveux de son amant, lui faisant rejeter la tête en arrière d’autorité. Il lui présente le repas aux lèvres, lui faisant terminer d’autorité la nourriture. Il reste encore un onigri dans l’assiette après celui-ci.

« - Fais-moi ma fête et on en reparlera après. Cela dépendra de l’humeur dans laquelle tu auras su me mettre. Il ne tient qu’à toi de changer mon ‘non’ en ‘oui’. »